La disparition de nos agriculteurs

Publié le 14 décembre 2025 à 07:48
agriculteur

D’après l’INSEE, la France compte aujourd’hui quatre fois moins d’agriculteurs exploitants qu’il y a quarante ans. Cette chute vertigineuse me terrifie : derrière ces chiffres, ce sont nos paysans qui disparaissent, ceux qui nous nourrissent chaque jour, et leur absence aurait un goût amer pour nous tous.

 

Déjà, je trouve qu’il s’agit d’un des plus beaux métiers du monde. Travailler la terre, élever des animaux, faire pousser nos aliments avec patience et savoir-faire…il y a dans ce métier une connexion profonde avec la nature, un rythme qui respecte les saisons et un engagement envers nous tous. Perdre ces hommes et ces femmes, c’est perdre une part de notre patrimoine, de notre quotidien et de notre manière de vivre.

 

Au-delà de la beauté du métier, il y a un enjeu beaucoup plus concret : notre sécurité alimentaire. Moins d’agriculteurs, c’est moins de nourriture en cas de crise. Que se passerait-il si une guerre éclatait ou si des catastrophes perturbaient les importations ? Nous dépendrions alors d’un système fragile, incapable de subvenir à nos besoins les plus basiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les restrictions étaient terribles, et pourtant nous avions beaucoup plus d’agriculteurs pour nourrir le pays. Aujourd’hui, cette disparition progressive nous rend plus vulnérables que jamais.

 

Une des raisons majeures de leur disparition, c’est l’importation massive de produits étrangers. Il est tentant de se dire que faire venir des denrées du bout du monde nous offre du choix et des prix bas, mais le revers de la médaille est lourd : cela étouffe nos agriculteurs, parfois au point de les pousser à abandonner leurs terres, ou, bien pire, à se suicider. Et ce n’est pas tout : ces produits importés sont souvent moins nutritifs, bourrés de traitements chimiques ou cueillis avant maturité, au détriment de notre santé. Soutenir nos agriculteurs, c’est donc aussi soutenir une alimentation saine et responsable.

 

La semaine prochaine, la signature possible de l’accord du Mercosur fait planer une menace supplémentaire sur notre agriculture. En ouvrant davantage nos frontières à des produits venus d’Amérique latine, fabriqués selon des normes sanitaires, environnementales et sociales bien moins exigeantes que celles imposées à nos agriculteurs, nous instaurons une concurrence profondément déloyale. Comment nos exploitants pourraient-ils survivre face à des prix tirés vers le bas et des règles bien moins strictes que celles qu’on leur impose ? Cet accord risque d’accélérer encore la disparition de nos agriculteurs, déjà fragilisés, et de sacrifier notre souveraineté alimentaire sur l’autel de la mondialisation. Nous signons non seulement notre dépendance, mais aussi l’abandon de celles et ceux qui nourrissent le pays.

 

Je voudrais également évoquer le scandale de la dermatose nodulaire. Ces derniers jours, nos agriculteurs expriment leur colère face à l’abattage de leurs cheptels pour quelques cas d’une maladie bovine venue d’Afrique. Ce qui choque profondément, c’est que certains pays, comme la Suisse, ont su endiguer la maladie par la vaccination. Pourquoi cette solution n’a-t-elle pas été proposée à nos éleveurs ? Par crainte de compromettre les exportations. Le résultat est pourtant absurde et tragique : des troupeaux entiers sont abattus, des éleveurs perdent le travail de toute une vie, et sans bétail…il n’y a de toute façon plus rien à exporter. En choisissant la vaccination, nous aurions pu éviter ce drame. Dès lors, une question s’impose : où va notre argent public, s’il n’est pas investi dans des priorités aussi essentielles que la survie de nos éleveurs ?

 

En laissant disparaître nos agriculteurs, nous acceptons de devenir dépendants des autres : dépendants de filières lointaines, de fluctuations de prix incontrôlables, de décisions politiques prises ailleurs. Une telle vulnérabilité ne peut être ni saine, ni durable. La sécurité de notre alimentation ne devrait jamais être abandonnée au hasard des marchés internationaux. Elle repose d’abord sur celles et ceux qui travaillent la terre ici, chez nous. Il est temps de nous réveiller. Acheter des produits français, privilégier le local, ce n’est pas un luxe ni un sacrifice : cela ne coûte pas forcément plus cher et peut même, à terme, permettre de faire des économies. C’est surtout un choix de bon sens, un acte de responsabilité et de solidarité envers ceux qui nous nourrissent.

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