Si tu n’as pas la chance d’avoir entre 20 et 35 ans, tu es bon à jeter à la casse. Ce n’est pas ce que je pense, mais c’est ce qu’on essaie de nous faire croire. Le jeunisme a toujours existé, mais il semble aujourd’hui atteindre son paroxysme. Dans les entreprises, les médias, les réseaux sociaux, la jeunesse est devenue une norme, un idéal à atteindre ou à feindre.
Il suffit de regarder les actrices repulpées à l’acide hyaluronique pour comprendre qu’il vaut mieux être jeune dans le monde aujourd’hui. Être obligé de se triturer le visage pour trouver du boulot, c’est triste. On prétend célébrer la diversité, mais on ne tolère que la jeunesse, même artificielle. On gomme les traces du vécu au lieu d’en être fier.
La société valorise le dynamisme, l’apparence, l’innovation…et tout cela est associé à la jeunesse. Les entreprises cherchent des profils dynamiques et flexibles, derrière ces mots se cache une norme implicite : celle qui associe la valeur d’un individu à sa capacité à rester jeune, ou du moins à en donner l’illusion. Tout semble aller dans le même sens : l’âge n’est plus perçu comme un signe d’expérience, mais comme une menace pour la performance. Le vieillissement devient presque une faute sociale, un ralentissement dans une société qui ne jure que par la vitesse.
Trouver un boulot passé 50 ans est devenu un véritable parcours du combattant. Derrière les sourires polis et les discours sur la « diversité des profils », la réalité est souvent brutale : on ne reconnaît pas la valeur d’un « senior ». Et pourtant, quelle richesse dans ces années d’expérience ! Des savoir-faire affinés, une capacité à prendre du recul, une solidité forgée par les défis traversés. Ce que certains appellent « vieillesse », c’est souvent de la lucidité, de la fiabilité, de la sagesse pratique. Il est temps de redonner sa juste place à la maturité professionnelle.
Ce phénomène amplifie largement les fractures générationnelles. D’une génération à l’autre, on se critique, on se déteste au lieu de se serrer les coudes et de s’entraider. On se dresse les uns contre les autres, oubliant que nous faisons partie d’une même chaîne. J’aime rappeler que les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain : en continuant à ne jurer que par la sacro-sainte jeunesse, on prépare un monde où chacun finira par être exclu à son tour. C’est une société qui finit par se tirer une balle dans le pied.
Et tout cela ne fait qu’accentuer la peur de vieillir. Comme si chaque ride, chaque année, devenait une menace. Pourtant, gagner en maturité, c’est carrément cool : c’est mieux se connaître, oser davantage, se libérer du regard des autres. C’est aussi savoir ce qu’on veut et surtout, ce qu’on ne veut plus. Je comprends qu’on puisse craindre le grand âge, la perte d’autonomie, la fragilité du corps. Mais on ne peut pas réduire des décennies de vie à cette seule image.
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